mardi 18 octobre 2011

Quand la diversification internationale ne tient plus la route

Le Canada ne représente que 5 % de la capitalisation boursière mondiale, dont 75 % du marché est concentré dans les deux secteurs suivants : la finance et les ressources. Aux dires des experts de la finance, voilà pourquoi il existe un potentiel de diversification important au-delà de nos frontières. Par exemple, les États-Unis offrent davantage de possibilités de placement dans des secteurs tels que la technologie de l’information, la consommation et les soins de santé.

La diversification internationale est donc une façon de répartir un portefeuille à travers les différentes régions du globe pour accroître le rendement et atténuer le risque de concentration. Autrement dit, c’est l’équivalent de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier.

L’idée derrière cette théorie est que l’activité économique n’augmente ou ne ralentit pas au même rythme d’un pays à l’autre. Ces décalages peuvent créer des occasions dans certaines régions qui compensent des pertes subies ailleurs dans le monde. Ce principe de gestion repose sur un concept statistique connu sous le nom de « corrélation ».

La corrélation entre plusieurs actifs financiers correspond à l’intensité de la liaison qui existe entre eux. C’est le coefficient de corrélation qui permet de déterminer cette liaison. Celui-ci est compris entre -1 et 1.

Plus le coefficient est proche de 1, plus les actifs financiers évoluent dans la même direction. À l’extrême, s’ils sont parfaitement corrélés, il n’y a aucune diversification possible.

Au contraire, plus celui-ci s’approche de -1, plus les actifs financiers sont corrélés négativement, c.-à-d. ils évoluent en sens inverse. C’est à ce moment que la diversification prend tout son sens, car la baisse de l’un n’entraîne pas la chute des autres.

Lorsqu’il tend vers 0, les actifs financiers évoluent de façon indépendante.

Depuis des lunes, la plupart des experts de la finance nous ont « cassé les oreilles » en clamant haut et fort que les marchés émergents étaient corrélés négativement par rapport aux marchés occidentaux. Mais cette mentalité est sur le point de changer, car au cours des 30 dernières années, la corrélation entre les différentes bourses mondiales a progressé de façon substantielle. Il suffit de regarder les grands titres de l’actualité financière au petit déjeuner pour se rendre compte qu’une brusque liquidation de titres en Asie s’est aussi propagée en Europe et que ces deux continents ont tout simplement réagi à la dégringolade de Wall Street ayant eu lieu la veille. Il est donc de plus en plus rare que le résultat d’une bourse donnée soit à contre-courant.

Qu’est-ce qui explique cela ?

Entre autres, il y a la mondialisation. Celle-ci est la mise en œuvre de quatre processus, dont la globalisation financière. Les vecteurs incontournables de toute globalisation financière sont les multinationales. À titre d’exemple, plus de 20 % des revenus des entreprises composant l’indice Dow Jones Industrial Average proviennent des pays émergents; environ 35 % des revenus des compagnies incluses dans le FTSE 100 sont générés en Amérique de Nord; et près de 15 % des entreprises constituant le Korea Composite Stock Price Index découlent de leur présence en Europe. Toute crise financière qui se répand à l’échelle mondiale est donc susceptible de ralentir les activités de ces grandes entreprises. La répercussion se fait alors sentir sur leurs profits. Cela déçoit les investisseurs de partout et les pousse à vendre ces titres.

Il y a aussi les grandes sociétés de gestion, dont les portefeuilles atteignent des sommes colossales et sont composés d’actifs provenant de plusieurs régions du monde. En effet, ces sociétés sont très souvent responsables de la propagation de secousses d’une bourse à l’autre, car leurs gestionnaires ne prennent pas toujours des décisions d’achat et de vente reliées aux facteurs économiques fondamentaux. Ils doivent aussi ajuster les portefeuilles en fonction des demandes des clients. Prenons l’exemple de centaines de milliers d’investisseurs qui, apeurés par une manchette nationale, comme l’abaissement de la note de crédit de leur pays, demandent le rachat de leurs parts. Pour suffire à cette demande, les gestionnaires doivent liquider certains actifs. Cela peut tout aussi bien être des titres chinois ou indiens, provoquant ainsi la chute de ces marchés.

La théorie de la diversification internationale ne tient plus la route comme avant. La prudence est donc de mise.

jeudi 6 octobre 2011

À la croisée des chemins

Les marchés vont-ils enfin comprendre qu’il faut prendre chacune des interventions des dirigeants de la zone euro avec un grain de sel?

À titre d’exemple, au début de la crise, on nous disait que tout risque de défaut souverain était nul. Ensuite, les dirigeants ont précisé l’affirmation précédente en ajoutant qu’il n’y en aurait pas avant 2013. Un peu plus tard, on apprenait que la Grèce avait besoin de restructurer sa dette, mais que cette restructuration serait unique. Puis, en juillet dernier, les chefs d’État de l’Union monétaire se sont réunis à Bruxelles afin de concocter un nouveau plan d’aide de près de 160 milliards pour sauver la Grèce et empêcher toute contagion.

À ce stade-ci, il va falloir se rendre à l’évidence : nous sommes rendus à la croisée des chemins. D’un côté, la Grèce est maintenue sur le « respirateur artificiel » encore quelques années grâce à des compressions budgétaires sans précédent ou de l’autre, elle quitte la zone euro, fait défaut et dévalue sa monnaie.

La Grèce a développé cet énorme déficit extérieur à cause du crédit à taux faible dont elle a pu bénéficier grâce à l’euro. On peut d’ailleurs voir des similitudes entre la situation actuelle de la Grèce et celle de l’Argentine de 1998 à 2002. En effet, l’Argentine s’était volontairement enfermée dans une forme d’union monétaire avec les États-Unis en liant sa monnaie au dollar. Mais l’augmentation plus rapide de ses coûts détériora sa compétitivité. Après avoir tenté l’option déflationniste, l’Argentine choisit finalement le défaut et la dévaluation. Elle remit très rapidement son économie sur les rails de la croissance, car dévaluer une monnaie permet surtout de gagner en compétitivité, notamment grâce au commerce extérieur et au tourisme.

Mais cela ne serait pas sans conséquences pour la Grèce.

Premièrement, la dette grecque est libellée en euros. Donc, si la Grèce revenait à sa monnaie nationale, c.-à-d. la drachme, et que celle-ci était dévaluée, elle devrait rembourser en euros un montant encore plus élevé.

Deuxièmement, il y aurait un risque de panique bancaire. Les épargnants grecs seraient en effet tentés de vouloir récupérer leurs euros à la banque avant le retour à la drachme afin de se protéger contre la dévaluation. Les pertes pourraient être colossales : près de €300 milliards au niveau des banques situées directement dans la zone euro et environ €650 milliards pour celles dans les pays périphériques.

Finalement, cela provoquerait probablement une crise politique et un climat d’incertitude dans toute l’Union européenne, car d’autres pays en difficulté seraient susceptibles d’en sortir, ce qui pourrait causer une explosion de la zone.

Comme quoi il n’existe jamais de solution miracle…